Thèse soutenue par Coralie ROBERT le 25 octobre 2021.
L’énergie est aujourd’hui au cœur des préoccupations tant du gouvernement que des ménages. Au regard des enjeux écologiques, sociaux et économiques qui y sont liés, ce problème public donne lieu à diverses politiques publiques visant à réduire la consommation d’énergie. À ce titre, deux grands axes d’intervention sont définis par la puissance publique : améliorer la performance énergétique des logements et aider au paiement des factures. En parallèle, un autre pan d’intervention publique est déployé depuis une dizaine d’années, tant par les acteurs associatifs qu’institutionnels : la sensibilisation aux économies d’énergie. Le constat partagé d’une nécessaire transition s’accompagne d’une incitation au changement de comportement. L’usage raisonné de l’énergie apparaît alors comme un levier d’action pertinent, et ce, plus particulièrement auprès des ménages fragiles où l’enjeu financier est d’autant plus fort. Un gouvernement des conduites est à l’œuvre concourant à la responsabilisation croissante des ménages. Cet accompagnement à la gestion de l’énergie domestique auprès des ménages précaires apparaît comme une solution rapide et peu coûteuse, à même d’aider les plus fragiles à réduire leurs factures d’énergie. Cette approche part du présupposé que les individus en situation de précarité énergétique ne réalisent pas les « petits gestes » et les « bonnes pratiques » au quotidien, faute de disposer de la bonne information. La communication autour des éco-gestes permettrait alors d’aider les plus fragiles à faire des économies.
Nous nous sommes intéressés en particulier aux individus en situation de précarité énergétique. Plus d’une personne sur dix en France a des difficultés pour payer ses factures d’énergie ou chauffer son logement. Ces restrictions se traduisent sur le plan budgétaire, mais également en matière de confort. Outre des revenus limités, les plus précaires résident dans des logements plus énergivores que la moyenne, ce qui augmente leur vulnérabilité énergétique. Ces ménages sont particulièrement sensibles à la hausse des prix de l’énergie. La précarité énergétique, comme problème public, s’intègre progressivement dans diverses politiques publiques. Elle s’inscrit à l’intersection de politiques environnementales, sociales et économiques.
L’intérêt est de déconstruire tant l’élaboration, la traduction, la diffusion que l’appropriation des messages. De ce fait, c’est bien la relation experts/habitants qui est questionnée au travers de la réception des politiques d’action publique. L’ambition de ce travail de recherche est de se questionner sur la réception de ces politiques auprès de publics cibles. L’objectif est de comprendre l’appropriation, en discours et en pratiques, des messages normatifs par les ménages. La thèse met en lumière les différentes ressources et compétences déployées par les individus pour faire face tant à la précarité énergétique qu’aux injonctions à la sobriété énergétique. Les résultats soulignent également le rôle joué par les pairs, notamment comme acteurs de diffusion et traduction de messages normatifs.
Une analyse qualitative auprès de ménages et de professionnels permet d’appréhender le cheminement de ces normes guidées par un impératif de sobriété. Cette enquête est composée d’entretiens, d’observations et d’analyse des médias. Elle s’est déployée de 2016 à 2019 sur deux terrains d’étude : le quartier des Quatre Routes à La Courneuve (93) et la ville de Nantes (44).